C'EST NOS ARTS QU'ON ASSASSINE !


Voila plus d'un an que par divers angles non coordonnés, mais bien tangibles, les artistes sont ballotés entre des mesures visant à restreindre la possibilité qui leur était offerte de consacrer leur temps non rémunéré à développer leurs projets professionnels (réforme interprétative de l'ONEM) et à présent des coupes franches dans les dispositifs de financement d
e ces mêmes projets. 

Si j'évoque l'ONEM qui n'est pas le sujet du jour, c'est qu'en Belgique le choix politique a été fait de reposer le déficit de financement (non pas des projets, mais de l'existence au quotidien) des artistes et des techniciens sur les mécanismes assurantiels du chômage. C'est un cas à peu près unique dans l'UE, à l'exception du modèle spécifique français dédié au spectacle et à l'audiovisuel. Mais il s'agit d'un choix que le gouvernement se doit d'assumer. Et s'il est considéré que cette direction ne correspond plus à un modèle acceptable pour la collectivité, il est de la responsabilité de nos décideurs politiques de proposer des solutions alternatives, en concertation avec les professionnels des secteurs concernés.

Mais au fond, artistes et créateurs, à quoi sommes-nous utiles au Monde dans lequel nous évoluons? Une idée répandue voudrait qu'en temps de crise, ce soit dans la culture que les coupes budgétaires soient d'abord opérées. Mais oui, la culture serait un territoire inférieur aux priorités qui président à la gestion du bien commun d'une société organisée. Rien n'est moins vrai !

Et que dire du contexte actuel? De cette tendance encline à faire glisser la culture qui interroge en direction de celle qui divertit. Une culture qui au mieux repose les âmes et au pire, les éteint (à ce niveau peut-on encore parler de culture?).
C'est une ineptie. 
Non pas que le divertissement soit critiquable en soi, bien au contraire. Mais il n'est pas démocratiquement acceptable de faire fi de la diversité des sujets et des formes proposées au public. Ce combat est du même ordre que celui qui permet à la presse d'être libre dans son expression. Or, il se fait que la presse francophone qui malheureusement connaît de grandes difficultés bénéficie de financements de la part de la puissance publique sans que ne lui soit imposé un cadre sur le contenu éditorial (ce qui est naturel dans un régime démocratique). Les commissions d'aides aux projets doivent continuer à permettre aux artistes de formuler des proposition déliée des contraintes afférentes à programmatique des opérateurs. C'est aussi par ce prisme que l'expérimentation et la recherche peuvent librement se concevoir.

La culture est autant que l'économie au centre des enjeux auxquels notre société est confrontée.
Où donc se mènent les combats face à la montée des pensées faciles? Comment se forge et s'entretient le sens critique? Qui permet aux humains d'ouvrir des espaces de pensée, de réflexion, d'élévation ou tout simplement d'évasion? Un monde sans art est un monde obscure dénué d'humanité. Oui, osons le prétendre car c'est n'est nullement travestir le réel que de nous affirmer utiles face à tout ceux qui nous considèrent futiles.

Mais il est d'autres vérités qui ne sont pas ignorées. La culture est portée par des créateurs qui oeuvrent avec force et engagement. Le travail n'y est pas souvent rémunéré à la hauteur de l'investissement humain qu'il représente. Et l'artiste est élevé dans la conscience du sacrifice de son confort existentiel. Il est prêt à faire fi de ses droits sociaux pour réaliser son projet, à s'investir sans tirer tout le produit économique de son travail. Alors un peu plus ou un peu moins... 
Madame la Ministre a fait le choix de préserver l'emploi. Mais de quel emploi parle-t-on? Celui de l'artiste n'a-t-il pas de valeur? La production d'oeuvres est-t-elle devenue un espace objéifié? Déshumanisé? Le centre névralgique de la création est-il devenu un ensemble de bâtiments dédiés à exposer des formes et des objets ? Non et les gens qui administrent ces structures en sont conscients. Elle opèrent en ce qu'elles sont, à savoir des espace de convergence entre la création et les citoyens. La solidarité immédiate de responsables de structures démonte cette tentative déplacée de cliver la profession. Car dans nos métiers et au-delà de notre individualisme parfois relevé, nous sommes unis par une conscience commune. Celle de la nécessité du geste et du sens de nos actions.

Le premier chiffre qui heurte, en amont de l'incompréhensible compression, c'est 1 250 000€. C'est léger, trop léger. Pour "préserver l'emploi" qui représente de loin la part la plus importante de la création, il faudrait commencer par doubler ce montant. Et ce afin que les artistes ne soient plus obligés de construire leurs projets dans des montages précaires. Et pour couper le pont à un argument trop souvent entendu, il n'y a pas trop d'artistes en Belgique francophone. Notre territoire recèle un énorme potentiel de développement. Il suffit s'atteler à l'investir plus encore pour le bien de tous. 

L'ART EST PUBLIC, LA CULTURE EST UN BIEN COMMUN. PLUS QUE JAMAIS, IL EST NECESSAIRE DE LA DEVELOPPER. FAISONS-LE SAVOIR !



Crédit photo: Maurizio Cattelan et Philippe Parreno et Claude Lévêque au FRAC Poitou-Charentes