DU CHANGEMENT POUR LES ARTISTES ?

Nous découvrions ce matin deux articles publiés par De Morgen et la DH. Ceux-ci faisaient état de modifications dans la réglementation coercitive appliquée depuis un an pour les artistes, les créateurs & les techniciens.

Il s'avère qu'ils font écho à une question posée le mardi 16 octobre à la ministre de l'emploi par Zoé Génot, parlementaire Ecolo. La ministre s'appuie sur l'avis prononcé par le Conseil National du Travail (CNT), le 17 juillet dernier.
Renseignements pris, le champ d'application n'est pas encore précis. Une note sera très prochainement publiée par l'ONEM afin d'en déterminer les modalités.

D'emblée, il faut savoir que ces dispositions sont transitoires. C'est-à-dire qu'elles seront mises en pratique le temps qu'un réexamen du statut social de l'artiste n'engendre des modification plus importantes.

Alors cette modification apporte-t-elle une solution?
Pas sûr...!

Les trois premiers points d'analyse qui suivent reposent sur des hypothèses. En l'absence de textes de l'ONEM, il est impossible de définir la portée de toute modification inteprétative.

1. Ce que nous craignons, c'est que seules les prestations réalisées dans l'"industrie du spectacle" (arts de la scène et cinéma) puissent bénéficier de la nouvelle version statutaire. Qu'en sera-t-il alors des artistes créateurs oeuvrant dans d'autres secteurs d'activité? Et va-t-on toujours subir des discriminations liées aux commissions paritaires dont dépendent nos employeurs? Un comédien qui joue dans une publicité ou dont l'employeur est une entreprise sera-t-il encore considéré par l'ONEM comme un non-artiste?

2. Qu'en est-il de la rétroactivité? Les artistes qui ont été exclus du statut depuis septembre 2011 pourront-ils bénéficier d'un réexamen de leur dossier? Il semblerait qu'il ne soit pas prévu de réexamens en deçà du 18 juillet 2012. Les exclus de l'an qui vient de s'écouler paieront-ils le prix des hasards du calendrier?

3. Qu'en est-il du sort des techniciens? Ils semblent avoir été oubliés dans les mesures évoquées par la ministre. Or les jeunes techniciens, intermittents dans le travail salarié, peinent réellement à ouvrir leurs droits à l'assurance chômage

4. Existe-t-il un calendrier relatif aux mesures transitoires? Comment va se construire le nouveau statut social des artistes? Combien de temps faudra-t-il attendre pour bénéficier d'un dispositif basé sur des réglementations solides en lieu et place d'interprétations fluctuantes qui génèrent du trouble et d'insupportables incertitudes?



Ci-après la question parlementaire et la réponse de la ministre:

07 Question de Mme Zoé Genot à la ministre de l’Emploi sur "l’avis du CNT sur le statut d’artiste" (n° 13350)
07.01 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Monsieur le président, madame la ministre, le 17 juillet dernier, le Conseil National du Travail (CNT) a remis son avis sur le statut d’artiste. Cet avis fait suite à la remise en question du statut d’artiste par l’ONEM et à une interprétation plus restrictive, excluant ainsi de nombreux artistes créateurs et techniciens du spectacle. Dans son avis, le CNT suggère plusieurs pistes afin de remédier à cette situation. Il affirme entre autres que la législation doit être revue afin que les mesures spécifiques d’accès et de maintien au chômage soient appliquées à tous les artistes, interprètes et créateurs.
On sait que la situation est difficile car l’ONEM continue à appliquer des critères particulièrement restrictifs qui privent de nombreux artistes d’allocations de chômage.
Madame la ministre, quel suivi allez-vous donner aux pistes suggérées par le CNT ? Quel est le timing prévu pour résoudre la situation ?
07.02 Monica De Coninck, ministre : Monsieur le président, chère collègue, lorsqu’en 2002, le statut social de l’artiste a été introduit, l’objet était ni plus ni moins d’offrir une protection sociale plus efficace aux artistes pour qui les liens contractuels sont souvent aléatoires et très limités dans le temps.
Depuis 2002, beaucoup a été fait pour améliorer ce statut et l’adapter le plus possible aux réalités de terrain. Cependant, sous la législature précédente, des dysfonctionnements ont encore été constatés dans l’application concrète dudit statut. Dès lors, je suis ravie que, suite à son avis de 2010, le Bureau du Conseil National du Travail se soit, de sa propre initiative, à nouveau penché sur la problématique précitée. En effet, outre le statut social, le Conseil s’était déjà prononcé, dans le cadre son précédent avis au sujet de la réglementation de l’ONEM qui était applicable aux artistes. Le Conseil poursuit, à juste titre, cet exercice actuellement. Il estime que la réglementation en vigueur n’est pas assez cohérente vis-à-vis du domaine d’application de l’article 1bis et souligne la complexité de la réglementation en matière de chômage applicable aux artistes. À cet égard, le Conseil émet une série de recommandations afin de simplifier ladite réglementation et d’augmenter la cohésion et la cohérence avec les dispositions relatives au statut social.
En bref, l’avis à l’examen entend augmenter le plus possible la sécurité juridique de tous les acteurs du secteur artistique et ce, sans omettre la philosophie initiale qui découle du statut social de l’artiste tel qu’il a été prévu en 2002.
Je peux d’ores et déjà vous annoncer que je m’attacherai à transposer l’avis du CNT dans son intégralité. Cependant, il faut être conscient que l’exécution des propositions faites dans cet avis prendra un certain temps compte tenu de leur ampleur. Le Conseil relève d’ailleurs lui-même que cette proposition implique, notamment, une adaptation en profondeur de la loi-programme de 2002. Dans un deuxième temps, on examinera comment la réglementation en matière de chômage est harmonisée en fonction de celle-ci, et peut être simplifiée. Inverser l’ordre des choses ne servirait pas la cohérence.
Toutefois, je n’entends pas laisser les artistes dans la situation qu’ils connaissent actuellement. Ainsi, d’ici la mise en œuvre complète de l’avis du CNT, je souhaite mettre en place un régime transitoire qui doit produire ses effets dès à présent.
À ce titre, j’ai, dans les limites de la législation existante, demandé à mon administration d’adapter, dès à présent, son interprétation d’une série d’articles se rapportant à la réglementation en matière de chômage.
L’article qui porte sur le régime d’admission au droit aux allocations de chômage sera désormais appliqué aussi bien à l’artiste musicien, quel que soit l’endroit où il travaille (par exemple, les bassistes qui sont rémunérés via un salaire à la tâche), qu’à l’artiste travaillant dans le monde du spectacle, tant l’artiste exécutant que l’artiste créateur employés dans le monde du spectacle (par exemple, un acteur, un scénariste, un chorégraphe engagés dans le monde du spectacle et rémunérés au moyen d’un salaire à la tâche).
En ce qui concerne l’article qui réglemente le pourcentage d’indemnisation et, ce compris, la possibilité de prolongation pour les travailleurs qui sont engagés exclusivement par le biais de contrats de très courte durée, la notion de "travailleur" couvrira désormais aussi bien les artistes exécutants que les artistes créateurs. Étant donné qu’ils ne peuvent être exclusivement engagés que via des contrats de très courte durée, maximum trois fois, il ne peut, par conséquent, s’agir que de travailleurs pour qui une telle forme d’emploi est leur activité principale et qui, de par la nature de leurs activités, sont employés dans un secteur où une telle forme d’emploi est propre à ce secteur. Dans le cas des artistes, le monde du spectacle est un secteur où les contrats de très courte durée sont propres à ce domaine d’activité, à ce secteur.
À noter qu’à partir du 1er novembre, pour bénéficier d’allocations de chômage, ces travailleurs devront présenter trois contrats de très courte durée conclus avec un employeur commanditaire pendant la période de référence, contre un actuellement.
J’ai d’ores et déjà demandé à mon administration d’appliquer ces articles de la façon décrite ci-dessus à toutes les demandes d’allocations à partir du 17 juillet 2012, date de l’avis du CNT. C’est donc là une mesure transitoire dans l’attente d’une implémentation complète de l’avis du CNT.
07.03 Zoé Genot (Ecolo-Groen) : Madame la ministre, je vous remercie pour votre réponse.
J’entends donc que vous allez veiller à transposer l’avis du CNT dans son intégralité. Même si quelques aspects de cet avis nous plaisent moins, comme par exemple le visa professionnel, beaucoup d’autres aspects nous paraissent positifs. À notre sens, il est indispensable de réfléchir à des procédures suffisamment souples, qui ne soient ni trop lourdes, ni trop longues, ni trop coûteuses.
Vous vous êtes abstenue de nous fournir un timing clair, mais j’espère que la concrétisation de cet avis sera relativement rapide.
Vous nous présentez une série de propositions pour un régime transitoire, ce qui me paraît positif. Néanmoins, à vous écouter – mais je relirai calmement votre réponse –, j’ai l’impression que les décisions resteraient assez restrictives envers les catégories des artistes créateurs et des techniciens du spectacle. Je crains qu’ils ne restent hors du champ d’application de l’avis. Voilà qui m’inquiète fortement.
[Chambre des représentants – Commission des Affaires sociales - Réunion du 16 octobre 2012 – Extrait du compte rendu intégral (CRIV 53-COM 0556)]